A` vrai dire, c'e'taient de dro^les de mariages.
Pluto^t des amitie's. Comme dans les e'coles d'autrefois, quand elles n'e'taient
pas mixtes. Au royaume des mots, les garc_ons restent avec les garc_ons et les
filles avec les filles.
L'article entrait par une porte, l'adjectif par une autre. Le nom arrivait le
dernier. Ils disparaissaient tous les trois. Le toit de la mairie me les cachait.
J'aurais tout donne' pour assister a' la ce're'monie. J'imagine que le maire
devait leur rappeler leurs droits et leurs devoirs, qu'ils e'taient de'sormais
unis pour le meilleur et pour le pire.
Ils ressortaient ensemble se tenant par la main, accorde's, tout masculin ou
tout fe'minin : le cha^teau enchante', la maison hante'e... Peut-e^tre qu'a'
l'inte'rieur le maire avait installe' un distributeur automatique, les adjectifs
s'y ravitaillaient en " e " final pour se marier avec un nom fe'minin. Rien de
plus docile et souple que le sexe d'un adjectif. Il change a' volonte', il s'adapte
au client.
Certains, bien su^r, dans cette tribu des adjectifs, e'taient moins discipline's.
Pas question de se modifier. De`s leur naissance, ils avaient tout pre'vu en
se terminant par "e". Ceux-la' se rendaient a' la ce're'monie les mains dans
les poches. "Magique", par exemple. Ce petit mot malin avait pre'pare' son coup.
Je l'ai vu entrer deux fois a' la mairie, la premie`re avec "ardoise", la seconde
avec "musicien". Une ardoise magique (tout fe'minin). Un musicien magique (tout
masculin). "Magique" est ressorti fie`rement. Accorde' dans les re`gles mais
sans rien changer. Il s'est tourne' vers le sommet de ma colline. J'ai l'impression
qu'il m'a fait un clin d'oeil : tu vois, Jeanne, je n'ai pas ce'de', on peut
e^tre adjectif et conserver son identite'.
Charmants adjectifs, indispensables adjoints! Comme ils seraient mornes, les
noms, sans les cadeaux que leur font les adjectifs, le piment qu'ils apportent,
la couleur, les de'tails...
Et pourtant, comme ils sont maltraite's !
Je vais vous dire un secret : les adjectifs ont l'a^me sentimentale. Ils croient
que leur mariage durera toujours... C'est mal connai^tre l'infide'lite' conge'nitale
des noms, de vrais garc_ons, ceux-la', ils changent de qualificatifs comme de
chaussettes. A` peine accorde's, ils jettent l'adjectif, retournent au magasin
pour en chercher un autre et, sans la moindre ge^ne, reviennent a' la mairie
pour un nouveau mariage.
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